© Nathanaël Mergui/FNMF
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Les députés En marche bloquent sur les troubles psychiques

par Clotilde de Gastines / 06 février 2018

La majorité parlementaire n’a pas voulu de la proposition de loi de députés de La France insoumise demandant la création d’un tableau de maladies professionnelles sur les troubles psychiques. Encore une occasion manquée pour les victimes.

Sans surprise, les députés de La République en marche (LREM) ont rejeté le 1er février dernier la proposition de loi sur le burn-out, « visant à faire reconnaître comme maladies professionnelles les pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel ». Présenté par les membres du groupe parlementaire La France insoumise (LFI), et porté plus spécifiquement par le député de la Somme François Ruffin, ce texte demandait la création d'un tableau de maladies professionnelles intégrant le stress post-traumatique, la dépression et l'anxiété généralisée. Le débat sur les articles de loi et de possibles amendements n'a même pas eu lieu en séance plénière de l’Assemblée nationale, le texte ayant été retoqué en commission des Affaires sociales le 24 janvier (à 86 voix contre 34). Un échec qui rappelle celui de la proposition de loi sur le burn-out présentée par Benoît Hamon et des députés socialistes frondeurs en 2015.

Une cinquantaine d’auditions

Pourtant, les députés LFI n’ont pas ménagé leurs efforts pour étayer le bien-fondé de leur démarche. En témoigne le rapport présenté en commission des Affaires sociales, qui s’appuie sur une cinquantaine d'auditions (médecins, experts en santé publique, avocats et salariés). Ce dernier met notamment en avant les propos du psychiatre Patrick Légeron, auteur d’un rapport de l’Académie de médecine sur le burn-out, qui dit soutenir la démarche visant à améliorer la reconnaissance des troubles psychiques, critiquant l’absence de tableau pour ces pathologies. Le rapport cite surtout les récents chiffres fournis par l'Assurance maladie : 20 000 affections psychiques déclarées en accidents du travail en 2016, pour seulement 596 pathologies reconnues en maladies professionnelles. Il décrit le parcours du combattant que doivent affronter les victimes, dès lors qu’elles décident de faire appel aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (C2RMP).
« Actuellement, c'est au salarié de prouver le lien entre son activité professionnelle et sa maladie », explique Agnès Cittadini, avocate auditionnée par les députés et interviewée sur LCI. « Lorsqu'une pathologie est inscrite au tableau, le salarié bénéficie au contraire d'un présomption de prise en charge », ajoute-t-elle. En attendant, les victimes peuvent avoir recours au système complémentaire de reconnaissance, les C2RMP, mais à la condition que leur taux d'incapacité permanente partielle (IPP) soit supérieur à 25 %. Un seuil quasi inatteignable. Certains députés ont d’ailleurs proposé de baisser ce seuil à 10 %, lors des discussions en commission des Affaires sociales.

Dialogue de sourds

Stéphane Viry, député Les Républicains (Vosges), a ainsi proposé de « renforcer les moyens des C2RMP et, peut-être, afin de faciliter le processus de reconnaissance, d’expérimenter la possibilité de réduire de 25 % à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle autorisant cette reconnaissance ». Il a rappelé en plénière que ces propositions étaient celles du rapport Censi-Sebaoun, adopté à l’unanimité par la commission des Affaires sociales en mars 2017. Rien n’y a fait. La majorité En marche a voté contre, mettant en avant la mission récemment confiée à Charlotte Lecocq, députée LREM (Nord), sur le système de prévention des risques professionnels ou les préconisations sur les risques psychosociaux du dernier plan santé-travail. La fusion des instances représentatives du personnel prévue par les ordonnances devrait aussi permettre aux salariés et à leurs représentants de mieux « appréhender l’ensemble des facteurs qui peuvent déboucher sur le syndrome de burn-out ou sur des troubles psychiques », a également déclaré, un peu hors sujet, Guillaume Chiche, député LREM (Deux-Sèvres). La mission confiée à Charlotte Lecocq devrait rendre ses conclusions aux alentours du 30 avril prochain.

 

A voir

La mécanique burn-out, documentaire réalisé par notre journaliste Elsa Fayner, sera diffusé le 14 février, à 20 h 50, sur France 5. C'est l'histoire d'un cuisinier, d'une cadre de banque, d'une assistante sociale, d'un travailleur humanitaire et d'un berger qui ont beaucoup aimé leur boulot jusqu'au jour où les règles ont changé. Ils racontent une longue descente aux enfers jalonnée de symptômes souvent spectaculaires et tentent de comprendre ce qui les a menés jusque-là. Après sa diffusion, le documentaire pourra être visionné en replay durant sept jours.