Droits des travailleurs sans papiers : La Poste condamnée

par Frédéric Lavignette / 14 décembre 2023

« C’est la première fois qu’une entreprise française se fait reprendre par la justice en matière de devoir de vigilance », se satisfait SUD-PTT, dans un communiqué daté du 5 décembre dernier. L’entreprise en question : La Poste. Et l’instance judiciaire évoquée : le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, que le syndicat a saisi dès juillet 2020, après avoir mis plusieurs fois l’employeur public en demeure. 
A l’origine de ces démarches, le reproche fait à La Poste de manquer à ses devoirs concernant les droits des travailleurs sans papiers exerçant chez ses sous-traitants, notamment Chronopost, à Alfortville (94), et DPD France, au Coudray-Montceaux (91). Pour ces deux filiales de livraison du groupe postal, plusieurs dizaines de travailleurs irréguliers ont été employés de manière dissimulée par l’agence d’Interim Derichebourg, et exposés à la main d’œuvre illicite, au marchandage, au harcèlement et autres entorses au droit du travail. 
A ce titre, la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Drieets) avait été saisie, tout comme l’inspection du travail. L’inspection du travail recensait, en janvier 2022, 63 personnes sans papiers employées pour le seul entrepôt du Coudray-Montceaux. Or, La Poste a toujours nié sa responsabilité dans l’emploi de travailleurs exploités, se dédouanant derrière cette cascade de sous-traitants.  
Devant le TGI, l’argument du donneur d’ordre non-assumé n’a pas fonctionné. En effet, le 5 décembre dernier, le jugement a considéré que « l'étape initiale de la cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation » était trop imprécise, donc non conforme à la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017. Pour la première fois, un tribunal condamne donc un groupe, de surcroît public, à « établir des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par la cartographie des risques », et de « compléter son plan de vigilance par un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements après avoir procédé à une concertation des organisations syndicales représentatives. »