© Luc Melanson

Intelligence artificielle : le risque d’un travail déshumanisé

par Nathalie Quéruel / janvier 2021

Chez Pôle emploi, les algorithmes moulinent, secondant les conseillers qui accompagnent les chômeurs. L’industriel Safran expérimente des cobots qui, besognant aux côtés des ouvriers, les délestent de tâches répétitives. Chez Publicis, un outil d’intelligence artificielle assemble, le temps d’un projet, des équipes virtuelles et éphémères de par le monde... Les technologies émergentes sont bel et bien à pied d’œuvre, dessinant dès maintenant l’avenir du travail. Pour le meilleur ou pour le pire ? On pourrait se réjouir qu’elles soulagent les salariés d’activités fastidieuses, pénibles ou ingrates, leur permettant de développer d’autres compétences enrichissantes. Ou, au contraire, s’inquiéter qu’elles les privent de tâches essentielles qui donnent sens à leur métier, les cantonnant dans des emplois précaires et sous-payés. On pourrait tout autant s’enthousiasmer pour l’autonomie qu’elles peuvent donner aux travailleurs que s’effrayer du contrôle qu’elles sont capables d’exercer sur eux. Rien n’est cependant écrit. A quelles conditions ces technologies, qui entremêlent plus étroitement l’homme et la machine dans la production de biens ou de services, ne seront-elles pas dommageables, notamment pour la santé des salariés ? Il est essentiel que ces derniers participent à la réflexion sur leur déploiement et leur usage, pour que la redistribution des rôles soit positive. Et il revient aux représentants du personnel de mettre sur la table ce débat sur le travail d’un genre inédit.

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L’activité prise au piège, entre autonomie et contrôle

par Amélie Mauroux, économiste, cheffe adjointe du département Conditions de travail et santé à la direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail / janvier 2021

Les enquêtes Conditions de travail décrivent l’emprise croissante du digital sur le quotidien des salariés, un terreau favorable aux risques psychosociaux. Mais faire la part de ce qui relève des outils, de leurs usages et de l’organisation demeure complexe.

Les technologies numériques gagnent inexorablement du terrain en milieu professionnel. En 1998, 51 % des salariés utilisaient des outils informatiques au travail (ordinateur, messagerie, internet, etc.). La proportion se montait à 71 % en 2013, et jusqu’à 90 % chez les cadres et les professions intermédiaires. Ce déploiement rapide s’est opéré dans un contexte d’accélération des changements : en 2016, 21 % des salariés déclaraient constater une évolution dans l’organisation du travail l’année précédente, contre 17,4 % en 2005.
Les nouvelles technologies sont régulièrement accusées de dégrader les conditions de travail, et en particulier d’accroître l’intensité du travail, du fait de l’instantanéité des échanges, de l’automatisation et de la standardisation des procédures, d’une surveillance accrue. Elles contribueraient ainsi à l’émergence de plusieurs facteurs de risques psychosociaux : travail dans l’urgence, surcharge informationnelle, culture de la réactivité, empiètement de la vie professionnelle sur la vie privée, renforcement du contrôle. A contrario, on leur reconnaît de pouvoir favoriser l’autonomie, simplifier des procédures et libérer du temps. Que nous apprennent les...

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