© Luc Melanson

Intelligence artificielle : le risque d’un travail déshumanisé

par Nathalie Quéruel / janvier 2021

Chez Pôle emploi, les algorithmes moulinent, secondant les conseillers qui accompagnent les chômeurs. L’industriel Safran expérimente des cobots qui, besognant aux côtés des ouvriers, les délestent de tâches répétitives. Chez Publicis, un outil d’intelligence artificielle assemble, le temps d’un projet, des équipes virtuelles et éphémères de par le monde... Les technologies émergentes sont bel et bien à pied d’œuvre, dessinant dès maintenant l’avenir du travail. Pour le meilleur ou pour le pire ? On pourrait se réjouir qu’elles soulagent les salariés d’activités fastidieuses, pénibles ou ingrates, leur permettant de développer d’autres compétences enrichissantes. Ou, au contraire, s’inquiéter qu’elles les privent de tâches essentielles qui donnent sens à leur métier, les cantonnant dans des emplois précaires et sous-payés. On pourrait tout autant s’enthousiasmer pour l’autonomie qu’elles peuvent donner aux travailleurs que s’effrayer du contrôle qu’elles sont capables d’exercer sur eux. Rien n’est cependant écrit. A quelles conditions ces technologies, qui entremêlent plus étroitement l’homme et la machine dans la production de biens ou de services, ne seront-elles pas dommageables, notamment pour la santé des salariés ? Il est essentiel que ces derniers participent à la réflexion sur leur déploiement et leur usage, pour que la redistribution des rôles soit positive. Et il revient aux représentants du personnel de mettre sur la table ce débat sur le travail d’un genre inédit.

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De l’emprise des nouvelles technologies sur le travail

par Marc-Eric Bobillier Chaumon, titulaire de la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) / janvier 2021

Envahissant le monde professionnel, les technologies émergentes sont utilisées par les entreprises pour reprendre le contrôle sur l’activité et les salariés. Mais elles peuvent aussi être des outils d’émancipation si ces derniers sont associés aux projets.

Intelligence artificielle, cobots, objets connectés, réalités immersives… En raison du déploiement d’une nouvelle génération d’outils ayant pour vocation d’améliorer ou d’amplifier tout ou partie des fonctions humaines sur le plan physique, sensoriel et/ou cognitif, on assiste depuis quelques années à une reconfiguration importante dans le monde du travail. Selon une conception très déterministe, ces technologies visent à optimiser, dans la sphère professionnelle, les capacités tant individuelles que collectives et à rendre ainsi plus efficaces et performants les processus de travail pour gagner en réactivité, en agilité et donc en excellence.
C’est aussi une manière pour l’entreprise, par l’entremise de ces artefacts techniques, de reprendre le contrôle sur une activité et sur des salariés de moins en moins visibles, afin de s’assurer que les standards attendus soient bien appliqués. Ce qui peut expliquer l’enthousiasme des firmes à se convertir aux technologies émergentes : ces dernières ne représentent plus « une » option possible mais bien « la » solution qui peut parer à tous les problèmes de l’organisation. Dans cette approche très techno-centrée, c’est au salarié qu’il...

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