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Plaidoyer pour les représentants de proximité.

par
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Catherine Jordery, experte CSE
/ 05 janvier 2023

Inventés par les ordonnances de 2017 mais sans véritable contour légal, les représentants de proximité ont fait des premiers pas fantomatiques. On doit pouvoir mieux faire, invite Catherine Jordery, experte CSE, qui presse les partenaires sociaux de s’emparer du sujet, afin de retisser le lien entre élus et réalités de terrain.


Les délégués du personnel ont longtemps fait partie du paysage… Avant d’être emportés par les ordonnances de 2017 ! Depuis la fusion des instances représentatives en une seule entité, le CSE, il est de bon ton de dire que les élus sont coupés du terrain, souvent accaparés par les multiples compétences de cette nouvelle structure. De fait, toutes les observations, enquêtes et évaluations qui se sont penchées sur le fonctionnement du CSE (lire cet article de Santé & Travail) insistent sur la difficulté de ses membres à garder une proximité avec les salariés. La centralisation des mandats a entraîné leur éloignement de la scène du travail et a gommé du dialogue social les questions de conditions de travail et réclamations individuelles des salariés. Ce « trou dans la raquette » des relations sociales est indéniable. Mais il peut être compensé par la mise en place de représentants de proximité permise par le Code du travail. Une disposition peu usitée, malheureusement. Et dont les partenaires sociaux, qui négocient des accords d’entreprise à l’occasion du renouvellement des instances, qui va se poursuivre en 2023, auraient tout intérêt à s’emparer.

Lanceurs d’alerte

Les représentants de proximité (RP) sont le plus souvent désignés par les élus du CSE et répartis sur les sites et dans les services pour établir un lien le plus étroit possible entre ces derniers et les salariés. Ainsi, ils peuvent facilement recueillir les réclamations individuelles ou collectives, voire les porter lors d’une réunion au niveau local avec la direction concernée. Leur ancrage sur le terrain les met en bonne place pour observer les préoccupations de leurs collègues quant aux conditions de travail, les interroger sur l’organisation de l’activité et ses conséquences sur la santé de chacun. Ils seraient donc des veilleurs et des lanceurs d’alerte de choix, sur l’ensemble des réalités du travail quotidien, points de contact indispensables entre membres du CSE et salariés.
Mais la mise en place de ces représentants ne va pas de soi. Déjà, initialement, ils ne bénéficiaient pas d’une protection juridique, carence qui a été corrigée dans la deuxième version des ordonnances de 2017. Désigner des RP n’étant pas une obligation, leur existence demeure une exception dans les entreprises. Enfin, le Code du travail ne les a pas pourvus de moyens, pas plus qu’il n’a précisé leur rôle et leur mission. C’est l’accord de fonctionnement du CSE qui définit leur nombre, les modalités de leur nomination et leurs attributions, notamment dans le domaine de la « santé, sécurité et conditions de travail ». Et qui peut les doter d’heures mensuelles de délégation. Ou prévoir un accès à la formation. Certains accords, ici ou là, ont octroyé des heures mais peu de RP ont eu accès à une formation.

Heures de délégation et formation

Si le législateur voulait tirer les conséquences de l’évaluation des ordonnances, il n’y a pas loin à chercher pour corriger en partie le tir. Pour miser sur les représentants de proximité, il faut sécuriser leurs moyens d’action, avec des heures de délégation et de formation. Ce serait une avancée significative. Mais vu le rapport de forces politiques actuel, il est à craindre que ce ne soit pas pour tout de suite. En attendant que des textes plus favorables soient promulgués, les partenaires sociaux qui souhaitent un dialogue social plus constructif seraient bien inspirés de placer les représentants de proximité au cœur de leurs discussions : les mettre en place, s’ils n’existent pas, ou améliorer la façon dont ils fonctionnent.
Cela passe par une réflexion sur leur positionnement comme élus prolongeant les missions du CSE en proximité des salariés, par l’accès à une formation en tout début de mandat prise en charge financièrement par l’employeur, par une définition précise de leurs attributions, entre le traitement des réclamations individuelles et l’attention portée aux situations de travail. Notamment du point de vue de l’activité des salariés : ces derniers ont-ils le sentiment de pouvoir faire un travail de qualité, sont-ils confrontés à des facteurs de pénibilité, craignent-ils de ne pas pouvoir tenir ? Ces questionnements sont importants. Les RP ne peuvent être réduits à de simples courroies de transmission. Ils devraient aussi être ceux qui éclairent les membres du CSE sur les enjeux du travail dans les services ou les ateliers de leur entreprise.