Manifestation des personnels de l'INRS contre la baisse du budget
Manifestation des personnels de l'INRS contre la baisse du budget

INRS : les syndicats montent au créneau pour le budget

par Alexia Eychenne / 11 juin 2024

Un front syndical se mobilise contre la baisse continue des ressources de l’INRS. Le retard des négociations sur son budget 2023-2027 place cet acteur clé de la prévention dans une situation critique.

Ce mardi 11 juin 2024, les syndicats de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) manifestent devant le ministère de la Santé. Une délégation de la CGT, de la CFDT et de la CFE-CGC doit être reçue par le cabinet de la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin. « Notre entreprise, dont l’histoire est liée à celle de la Sécurité sociale, risque de fermer », s’alarme Christian Darne, délégué syndical CFDT. Fondé en 1947 et géré par les partenaires sociaux, l'INRS se consacre à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) par ses travaux de recherche, ses outils gratuits et ses services d’accompagnement à destination des entreprises. Les syndicats jugent aujourd’hui son avenir menacé, faute de financements adéquats.
Les ressources de l’institut, qui couvrent aussi les salaires de plus de 570 salariés à Paris et à Nancy - ergonomes, chimistes, sociologues, médecins, etc. -, dépendent des moyens alloués par la convention d'objectif et de gestion (COG) de la branche AT-MP. La prochaine devrait couvrir la période 2023-2027. Mais depuis dix-huit mois, les négociations entre la direction de la Sécurité sociale et les partenaires sociaux piétinent.  Au moment où les débats auraient dû débuter, syndicats et patronat négociaient l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévention et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP). Ce texte a finalement été signé le 15 mai 2023, mais, dans les mois qui ont suivi, les relations se sont tendues entre le gouvernement et les partenaires sociaux, hostiles à la transposition d’une partie de l’accord – celle sur la réparation - dans le cadre de l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). De quoi enliser un peu plus les discussions.

Restriction budgétaire

Depuis un an et demi, l'INRS fonctionne donc grâce à une clause de sauvegarde qui lui alloue 63 millions d'euros par an. Très insuffisant pour lui permettre de remplir ses missions, jugent les syndicats. « Trente-et-une embauches qui devraient remplacer des départs en retraite sont gelées et des investissements dans la recherche prennent du retard », souligne Marc Benoît, délégué syndical CGT. Les négociations sur la COG ont repris ces dernières semaines, avec comme aiguillon l’objectif de conclure à temps pour intégrer le prochain PLFSS. Mais d’après la CFDT de l’INRS, « les propositions du ministère des Finances relayées par les directions de la Sécurité sociale sont d’augmenter le budget de l’INRS de 1 million en 2024, ce qui le porte à 80 millions d’euros, et d’arriver progressivement à 83,5 millions en 2027 ». Jointe par Santé et Travail, la direction de la Sécurité sociale n’a pas répondu à nos questions.
Selon ce scénario, le financement 2024 de l’institut demeurerait donc quasi équivalent à celui de 2018, « soit une perte sèche de près de 25% du fait de l’inflation ». Bien loin des montants réclamés par les partenaires sociaux : le conseil d'administration paritaire de l'INRS a voté à l'unanimité un budget de près de 95 millions pour 2024 pour financer notamment six postes supplémentaires. L’intersyndicale demande que cet objectif serve de base à la négociation sur la COG. « Le conseil d’administration de l'INRS est un endroit où les partenaires sociaux expriment un positionnement qui les engage, car ce sont les mêmes qui valident ou pas la COG à la CAT-MP (Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles), précise Marc Benoît. On a un front remarquablement uni entre syndicats et patronat pour réclamer des moyens. » Au-delà de l’INRS, l’intersyndicale qui était à la manœuvre pour la réforme des retraites a profité de la journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail pour adresser à la ministre une lettre ouverte réclamant la mise en œuvre de la COG et le renforcement de la politique de prévention des risques professionnels.

Signaux contradictoires

Outre l’enjeu de la future COG, les syndicats dénoncent une baisse continue des ressources de l’INRS depuis une dizaine d’années. « On ne remplace déjà pas les départs et cela crée une perte de savoirs. Certains domaines de recherche s'arrêtent, illustre Benoît Moessner, délégué syndical CFE-CGC. Ce sont aussi le développement ou le maintien des outils informatiques que l'on met gratuitement à la disposition des entreprises pour faire de l'évaluation des risques qui ne se feront pas sans investissements. »
L’austérité imposée à l’INRS semble pourtant contradictoire avec la volonté affichée par le gouvernement de réduire les accidents du travail. La ministre Catherine Vautrin a présenté le 29 avril au Conseil national d’orientation des conditions de travail (Cnoct) de nouvelles mesures dans le cadre du plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels lancé en 2022. Et, dans le cadre de la transposition de l’ANI du 15 mai 2023, prévoit de s’appuyer plus largement sur l’expertise de l’INRS et d’augmenter les moyens alloués à la prévention des risques.
Les restrictions budgétaires imposées à l’INRS tranchent enfin avec la bonne santé de la branche AT-MP, alimentée par les cotisations des entreprises. L’excédent cumulé avoisine les 7 milliards d’euros. « L’argent collecté doit normalement être réinjecté pour faire baisser les AT-MP, rappelle Christian Darne, de la CFDT. Que le gouvernement interdise aujourd’hui de l’utiliser pour faire fonctionner l’INRS, alors qu’il prétend faire de la lutte contre les accidents du travail une priorité, c’est insupportable. » Faute de moyens supplémentaires dans la nouvelle COG, l’intersyndicale estime que l’INRS perdrait plus de 100 postes sur la période 2023-2027. « Cela veut dire la mort assurée de l’institut en 2027 car, sans ces postes, ce sera facile à de dire que l’on ne remplit pas nos missions, soupire Christian Darne. Ce seront 20 millions de salariés à qui l’on ne pourra plus proposer de solutions de prévention. »