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Services à la personne : sortir de la précarité

par Stéphane Vincent / avril 2021

Quoi de commun entre une baby-sitter, un bricoleur venu monter un meuble à domicile et une auxiliaire de vie assistant une personne âgée dépendante ? Ces métiers ont été regroupés au sein d’un même secteur, celui des services à la personne. Une construction politique qui cache mal l’hétérogénéité des activités concernées. Car si toutes s’exercent au domicile de particuliers, elles ne répondent pas aux mêmes besoins ni aux mêmes enjeux. L’aide à domicile par exemple doit faire face au vieillissement de la population et assurer le maintien de l’autonomie des plus fragiles. Les pouvoirs publics ne s’y trompent pas puisqu’ils financent en grande partie cette activité. Cela permet de déclarer les emplois et d’accorder des droits aux salariés, sujet sur lequel la France se distingue de ses voisins européens. Seulement voilà, cette reconnaissance demeure largement insuffisante. C’est le cas pour le financement public de l’aide à domicile, qui contraint les conditions de travail des personnels à un niveau difficilement compatible avec leur santé. La diversité des statuts d’emploi dans ce secteur n’est qu’une déclinaison de précarités plus ou moins importantes, qui nuisent aux conditions de vie des salariés et à la prévention des nombreux risques auxquels ils sont exposés. Ce n’est donc pas étonnant que ces métiers cumulent accidents du travail, maladies professionnelles et inaptitudes. Il est temps de changer la donne. Certains s’y emploient, comme le démontre ce dossier.

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« Des interventions d’une heure minimum »

entretien avec Nathalie Canieux représentante CFDT au Conseil économique, social et environnemental (Cese)
par Corinne Renou-Nativel / avril 2021

Auteure d’un récent rapport sur l’aide à domicile, Nathalie Canieux préconise de revoir le financement de l’activité pour améliorer les conditions de travail.

Vous avez rédigé un avis sur le travail à domicile auprès des personnes vulnérables, remis en décembre et adopté par le Cese. Quel en était l’objectif ?
Nathalie Canieux : Mettre en lumière les métiers de l’aide à domicile et leurs problématiques, habituellement dans l’ombre. Ce secteur est sous tension pour de nombreuses raisons. Les personnels sont majoritairement assez âgés, avec des conditions de travail et de trajets difficiles. Un terrible manque d’attractivité fait craindre une pénurie dans les années à venir, alors que les besoins augmentent. Le confinement a souligné le lien social assuré par les aides à domicile en palliant l’isolement des personnes âgées.

Quelles sont les recommandations du rapport ?
N. C. : Les conditions de travail sont en partie liées au mode de financement et à ses montants. Une des premières préconisations est de cadrer les interventions à un minimum d’une heure. Faute de moyens suffisants, des départements découpent les temps en demi-heures ou même moins, ce qui ne permet pas un travail de qualité et a un impact terrible sur les conditions de travail. Le financement concentré sur le temps d’intervention ne laisse pas de place aux temps collectifs dont ont besoin ces personnels isolés pour se former et partager leurs expériences. Nous recommandons un financement selon un forfait global, afin que ce soit l’employeur qui décide des conditions d’intervention et non plus le département. La prescription départementale, extrêmement intrusive dans l’organisation du travail, ne laisse pas de marges de manœuvre aux services d’aide à domicile.
Il faudrait également un tarif plancher national pour mettre fin à des variations d’un département à l’autre – l’heure d’intervention à 19 euros ne permet pas de réaliser un travail de qualité. Les départements souffrent d’une absence de visibilité, avec des financements annuels. Un plan d’investissement pluriannuel pour ces métiers de proximité, portant sur les formations et le développement local de cette activité, qui prenne en compte les marges de manœuvre nécessaires à la qualité, paraît pertinent. L’avis apporte plusieurs préconisations en matière d’augmentation des salaires pour favoriser l’attractivité et propose une unification des certifications et des diplômes par France Compétences, afin de faciliter le passage des personnels d’une branche à l’autre.

Quelles suites vont être données à cet avis du Cese ?
N. C. : Nous placions beaucoup d’espoir dans la loi « grand âge et autonomie ». Brigitte Bourguignon, ministre chargée de l’Autonomie, à l’écoute de nos préconisations, a reporté l’examen du projet de loi à la fin de la crise sanitaire, ce qui a suscité la colère des acteurs du secteur. Mais les constats sur les difficultés et les moyens de les corriger, ainsi que la conscience de l’urgence à faire évoluer ces métiers sont largement partagés.

A lire
  • Le travail à domicile auprès des personnes vulnérables : des métiers du lien, par Nathalie Canieux, section travail et emploi, Conseil économique, social et environnemental, 9 décembre 2020. Disponible sur le site du Cese.