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Services à la personne : sortir de la précarité

par Stéphane Vincent / avril 2021

Quoi de commun entre une baby-sitter, un bricoleur venu monter un meuble à domicile et une auxiliaire de vie assistant une personne âgée dépendante ? Ces métiers ont été regroupés au sein d’un même secteur, celui des services à la personne. Une construction politique qui cache mal l’hétérogénéité des activités concernées. Car si toutes s’exercent au domicile de particuliers, elles ne répondent pas aux mêmes besoins ni aux mêmes enjeux. L’aide à domicile par exemple doit faire face au vieillissement de la population et assurer le maintien de l’autonomie des plus fragiles. Les pouvoirs publics ne s’y trompent pas puisqu’ils financent en grande partie cette activité. Cela permet de déclarer les emplois et d’accorder des droits aux salariés, sujet sur lequel la France se distingue de ses voisins européens. Seulement voilà, cette reconnaissance demeure largement insuffisante. C’est le cas pour le financement public de l’aide à domicile, qui contraint les conditions de travail des personnels à un niveau difficilement compatible avec leur santé. La diversité des statuts d’emploi dans ce secteur n’est qu’une déclinaison de précarités plus ou moins importantes, qui nuisent aux conditions de vie des salariés et à la prévention des nombreux risques auxquels ils sont exposés. Ce n’est donc pas étonnant que ces métiers cumulent accidents du travail, maladies professionnelles et inaptitudes. Il est temps de changer la donne. Certains s’y emploient, comme le démontre ce dossier.

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La méthode Buurtzorg, entre promesses et réalités

par Corinne Renou-Nativel / avril 2021

Le secteur de l’aide à domicile connaît un engouement pour la méthode Buurtzorg, modèle néerlandais qui prône l’autonomie des équipes d’intervenantes. Une piste d’amélioration pour les conditions de travail, à condition d’éviter certains écueils.

Tout est parti des Pays-Bas, avant une déferlante dans de nombreux pays. En 2007, un infirmier néerlandais, Jos de Blok, développe le modèle Buurtzorg (« soin de proximité » en néerlandais). Celui-ci repose sur la mise en place d’équipes autonomes de soins à domicile intervenant sur une zone géographique restreinte. « Le modèle Buurtzorg est fondé sur quatre valeurs : la confiance en chaque collaborateur, leur égalité, leur liberté et la responsabilité, explique Lætitia Flamard, consultante chercheuse et ergonome au cabinet Didaction conseil. Les équipes communiquent et construisent entre elles les plannings. Deux leviers sont mobilisés pour les accompagner : des formations à la prise de responsabilité et un service support qui fluidifie le travail des infirmiers. »
L’un des objectifs est de développer l’attractivité des services de soins à domicile face aux institutions, comme les hôpitaux, vers lesquelles se tournent davantage les personnels. Décrite comme un modèle organisationnel, la méthode Buurtzorg a aussi une portée économique, précise Perrine Hanicotte-Zitouni, chargée de mission à l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) des Hauts-de-France : « La communication sur ce modèle met aussi en avant les économies réalisées et le développement d’une structure budgétaire beaucoup plus tenable. »

Transposition délicate

En France, le secteur de l’aide à domicile s’est emparé de cette méthode. Une transposition qui ne va pas sans écueils. « Les différences d’identité professionnelle entre soins infirmiers et aide à domicile, ainsi que les modes managériaux et modèles économiques et de financement des services d’aide à domicile rendent illusoire l’idée d’appliquer les principes Buurtzorg tels quels dans les structures françaises », souligne Lætitia Flamard. La transformation du rôle de l’encadrement de proximité par exemple, souvent porté sur le contrôle, nécessite un accompagnement. Une attention spécifique doit être également apportée à d’autres points.
« Une condition de la réussite est de bien définir ce qu’on appelle la prise d’autonomie, ainsi que le champ et le registre de la décision », relève Perrine Hanicotte-Zitouni. Le modèle est prometteur en termes de conditions de travail, mais il n’y a rien de systématique. « Tout dépend du contexte dans lequel ces changements prennent place et la façon dont ils sont construits et menés. Paradoxalement, on peut même assister à une dégradation des indicateurs de santé au travail, en particulier au moment de la mise en œuvre », poursuit-elle. A ce titre, il est important d’associer les représentants du personnel à l’évaluation du projet, notamment sur les conditions de travail.
« Pour limiter les écueils, il faut s’équiper d’outils informatiques de coordination et de coopération adéquats ; formaliser des temps d’échanges est aussi une étape indispensable pour bénéficier des effets positifs du modèle Buurtzorg », résume pour sa part Lætitia Flamard.