© Jérémie Clayes

L'arrêt de travail, un mal nécessaire

par Stéphane Vincent et François Desriaux / avril 2019

"Les antibiotiques, c'est pas automatique... L'augmentation des arrêts de travail, si !" Ce pourrait être la nouvelle campagne de l'Assurance maladie, après le rapport remis au Premier ministre sur les arrêts maladie. Le recul de l'âge de la retraite et le vieillissement de la population active entraînent nécessairement une augmentation de ces derniers et de leur coût. Avec l'avancée en âge apparaissent des maladies chroniques, génératrices d'arrêts longs. Ainsi, près de la moitié du coût des absences au travail provient de pathologies lourdes.

Au-delà des questions de coût et de financement, préoccupations essentielles des pouvoirs publics, il en est une autre, à notre sens incontournable, qui devrait elle aussi les mobiliser, ainsi que les entreprises et acteurs de prévention : celle des conditions de travail. En effet, l'arrêt maladie est souvent, dans sa genèse et dans sa durée, le produit de la rencontre entre un problème de santé et des exigences du travail. Agir sur les contraintes ostéo-articulaires, l'intensification du travail, le management délétère, c'est le plus sûr moyen de faire baisser les arrêts. Aménager l'organisation du travail pour éviter que les absences de courte durée ne perturbent la production ou faciliter le retour de personnes convalescentes est un incontournable de la gestion prévisionnelle de l'absentéisme.

© Jérémie Claeys
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Que faire avec un taux d'absentéisme ?

par Serge Volkoff, statisticien et ergonome / avril 2019

Principal outil de suivi des arrêts de travail, le taux d'absentéisme ne sera pas d'une grande aide aux acteurs de prévention pour analyser l'évolution des problèmes de santé, s'ils n'étudient pas au préalable la façon dont il est construit. Mode d'emploi.

Le taux d'absentéisme est un des indicateurs les plus usités et les plus commentés en matière de ressources humaines dans les entreprises, les secteurs professionnels, voire au niveau de l'ensemble de la population salariée. Il est calculé le plus souvent comme un rapport entre le nombre de jours d'arrêt maladie au cours d'une période et le total des jours travaillés. En lieu et place de ce taux, ou en complément, le chiffre utilisé pour évoquer l'absentéisme peut aussi être le nombre moyen de jours d'absence pour maladie par salarié, ou encore le ratio entre le coût des absences et la masse salariale. Ces variantes aboutissent à peu près à la même information.

 

Comparer ce qui est comparable

 

Il n'est pas rare que des acteurs de prévention, en entreprise ou en dehors, soient sollicités pour se prononcer sur ce taux d'absentéisme, mis en avant dans des bilans chiffrés, des calculs comparatifs, des négociations et l'élaboration de plans d'action. Comment peuvent-ils apprécier la signification d'un tel indicateur, et ses limites, dans le cadre d'une réflexion sur des questions de santé au travail ? Un premier élément de réponse réside dans certaines précisions techniques.

L'idée générale est de comparer ce qui est comparable. Il y a ainsi de nombreux détails à vérifier : les personnes en longue maladie sont-elles prises en compte, ou considérées comme "hors effectif" ? Le taux inclut-il ou non les absences faisant suite à des accidents du travail ou des maladies professionnelles, ou mélange-t-il les arrêts maladie avec les congés maternité, voire les gardes d'enfant malade ? Si les absences sont comptées sur l'année, les rapporte-t-on bien à un effectif moyen (qui n'est pas forcément le même que celui présent en fin d'année) ? Compte-t-on les absences en jours ouvrables ou en jours calendaires ? Comment sont prises en compte les personnes sous contrat temporaire ? Comment a-t-on intégré les journées où une personne n'a été que partiellement absente ? Etc.

Il faut ensuite examiner si les différences entre deux taux sont dues en partie à des caractéristiques différentes entre les populations étudiées. Selon l'enquête Emploi de l'Insee, le taux moyen d'absences pour maladie, à peu près stable d'une année à l'autre, est au voisinage de 4 % pour l'ensemble de la population salariée. Il varie un peu, de l'ordre d'un point, selon les saisons et marque un léger écart selon le sexe : il est un point plus élevé chez les femmes, mais l'Insee intègre dans son calcul les absences pour garde d'enfant malade. Il varie plus nettement selon l'âge - deux points d'écart entre 30 et 50 ans -, ou le secteur d'activité et la catégorie sociale : les taux sont élevés dans la population ouvrière et les professions de santé. Il est plutôt faible chez les salariés en contrat temporaire, car ceux-ci, souvent en bonne santé à l'embauche, sont aussi sélectionnés sur ce critère.

Si le but est donc de confronter le niveau des absences dans une entreprise à celui d'un groupe auquel elle appartient, à un secteur professionnel, voire à une moyenne nationale, il faut tenir compte de tous ces paramètres, afin que les comparaisons soient faites "toutes choses égales par ailleurs". Idem s'il s'agit de suivre la valeur du taux d'absentéisme au fil des années. Dans tous les cas, il y a lieu de faire ces comparaisons, autant que possible, pour chaque tranche de durée d'arrêt (voir l'article précédent), et ne pas se contenter d'un indicateur brut, unique et réducteur.

En savoir plus
  • "Les absences au travail des salariés pour raisons de santé : un rôle important des conditions de travail", par Ceren Inan, Dares Analyses n° 9, février 2013.