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Services à la personne : sortir de la précarité

par Stéphane Vincent / avril 2021

Quoi de commun entre une baby-sitter, un bricoleur venu monter un meuble à domicile et une auxiliaire de vie assistant une personne âgée dépendante ? Ces métiers ont été regroupés au sein d’un même secteur, celui des services à la personne. Une construction politique qui cache mal l’hétérogénéité des activités concernées. Car si toutes s’exercent au domicile de particuliers, elles ne répondent pas aux mêmes besoins ni aux mêmes enjeux. L’aide à domicile par exemple doit faire face au vieillissement de la population et assurer le maintien de l’autonomie des plus fragiles. Les pouvoirs publics ne s’y trompent pas puisqu’ils financent en grande partie cette activité. Cela permet de déclarer les emplois et d’accorder des droits aux salariés, sujet sur lequel la France se distingue de ses voisins européens. Seulement voilà, cette reconnaissance demeure largement insuffisante. C’est le cas pour le financement public de l’aide à domicile, qui contraint les conditions de travail des personnels à un niveau difficilement compatible avec leur santé. La diversité des statuts d’emploi dans ce secteur n’est qu’une déclinaison de précarités plus ou moins importantes, qui nuisent aux conditions de vie des salariés et à la prévention des nombreux risques auxquels ils sont exposés. Ce n’est donc pas étonnant que ces métiers cumulent accidents du travail, maladies professionnelles et inaptitudes. Il est temps de changer la donne. Certains s’y emploient, comme le démontre ce dossier.

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En première ligne face au Covid-19

par Christian Torres médecin du travail / avril 2021

Du fait de leur activité et de leurs conditions de travail, les aides à domicile sont particulièrement exposées au risque de contamination par le coronavirus mais aussi à celui de développer une forme grave de la maladie. Démonstration.

L’épidémie de coronavirus a révélé l’importance des disparités sociales et leur poids dans le déroulement de la crise sanitaire. Selon une récente étude, menée conjointement par l’Assurance maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le risque de décéder du Covid-19 chez les moins de 80 ans serait multiplié par deux pour les plus défavorisés. Ceci peut s’expliquer par la conjonction de plusieurs facteurs, notamment une exposition professionnelle au virus, une plus grande susceptibilité de développer des maladies infectieuses, ou encore un accès restreint aux ressources médicales et aux moyens de prévention. De ce point de vue, la situation des aides à domicile est emblématique.
Du fait de l’utilité de leur profession, mais aussi de la précarité qui caractérise ce secteur d’activité, les aides à domicile ont dû continuer à travailler pendant les périodes de confinement. Elles ont ainsi été davantage exposées, lors de leurs déplacements ou lors des contacts avec les personnes chez qui elles interviennent, sans avoir forcément la possibilité de respecter les mesures barrières, comme la distanciation physique.
Par ailleurs, le coronavirus s’est révélé plus dangereux pour les personnes souffrant de maladies chroniques. Comme le souligne l’étude citée précédemment, en dehors de l’âge, la quasi-totalité des affections chroniques sont associées à des risques accrus d’hospitalisation et de décès concernant le Covid-19. On estime qu’environ 15 % de la population française présente au moins un de ces facteurs de risques, ceux-ci étant fortement corrélés aux conditions de vie et de travail, comme en atteste leur inégale répartition sociale. Parmi les processus biologiques sous-jacents à ces maladies, il faut souligner le rôle charnière de l’inflammation de bas grade, qui se développe sous l’action de facteurs de stress chronique. On retrouve parmi ceux-ci la confrontation à la souffrance, les horaires longs… Des sources de stress auxquelles sont exposées les aides à domicile.

« Prendre sur soi »

Cette inflammation de bas grade peut aussi être majorée chez les personnes qui doivent réprimer leurs émotions de façon prolongée. Les salariés qui, face à la misère, l’agressivité ou la souffrance, doivent se contenir et « prendre sur eux » pour garder une posture professionnelle développent souvent des pathologies chroniques inflammatoires. Une récente étude épidémiologique menée par des chercheurs anglais a ainsi montré que les soignants, les travailleurs sociaux, les policiers, les chauffeurs de transports en commun ont, après ajustement, une probabilité beaucoup plus importante de développer une forme grave du Covid-19.
Ces constats devraient conduire les pouvoirs publics à engager immédiatement une politique de prévention spécifique à l’égard des professionnelles de l’aide à domicile, en cette période d’épidémie.