De g. à dr. : Sébastien Garoutte, Elise Guillaume, Pierre-Yves Montéléon et Lamia Zikikout - © Nathanaël Mergui/Mutualité française
De g. à dr. : Sébastien Garoutte, Elise Guillaume, Pierre-Yves Montéléon et Lamia Zikikout - © Nathanaël Mergui/Mutualité française

A la CFTC, priorité au consensus sur la santé au travail

par Nathalie Quéruel / juillet 2018

Agir par la négociation en faveur de la prévention primaire, tel est le credo de l'équipe santé et travail de la CFTC. Pour aider ses militants à étayer leur argumentaire, la confédération chrétienne met à leur disposition divers outils d'information.1

  • 1Cet article constitue le sixième volet de la série de "portraits" que Santé & Travail consacre aux équipes en charge des questions de santé au travail au sein des différentes centrales syndicales.

C'est une particularité de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), qui s'affirme syndicat de construction sociale" : les membres de l'équipe politique, élue tous les quatre ans, et les personnes mandatées au sein des instances paritaires ou tripartites en charge de la santé au travail (Anact, Coct, INRS1 , etc.) ne sont pas des permanents. Ils gardent un pied dans l'entreprise, au contact de la vie réelle du travail. Dans leur tâche, ils sont appuyés par des spécialistes salariés, qui ne sont pas des militants, à l'instar de Sébastien Garoutte, conseiller technique santé, sécurité et conditions de travail, Elise Guillaume, responsable du service politique sociale, et Lamia Zikikout, conseillère technique dialogue social.

 

Protéger l'humain

Si l'amélioration des conditions de travail a toujours été un fondement de l'action syndicale, la CFTC s'est félicitée de voir figurer dans le plan santé au travail 2016-2020 ce qu'elle défend depuis longtemps : la prévention primaire. "C'est une approche qui met l'accent sur les bonnes conditions de travail afin que ce dernier soit un facteur d'intégration sociale et de bien-être pour les salariés", résume le responsable confédéral santé au travail, Pierre-Yves Montéléon, qui exerce la profession d'épidémiologiste en santé au travail. Dans le droit fil de la morale sociale chrétienne, il s'agit de protéger l'humain en mettant la prévention des risques professionnels au coeur de la négociation collective. "Construire des consensus est le mode d'action de notre syndicat, explique Elise Guillaume. Il est important de diffuser cette culture de la prévention auprès des militants et de leur donner des outils pour qu'ils soient force de proposition."

Si la CFTC a combattu certains points des ordonnances réformant le Code du travail, l'intégration du CHSCT au sein du nouveau comité social et économique (CSE) semble offrir, selon elle, des opportunités : "La loi Rebsamen de 2015 a déjà introduit beaucoup de transversalité dans les négociations sur la qualité de vie au travail, la prévention de la pénibilité, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, souligne Lamia Zikikout. Certes, il y a un risque de perte d'expertise, mais l'instance unique donne la possibilité de penser les questions de santé au travail en même temps que les projets économiques de réorganisation et d'intégrer la prévention en amont de leur mise en oeuvre." Le syndicat s'est battu pour la mise en place du "représentant de proximité" dans les établissements, qui peut être un membre du CSE ou un salarié n'ayant pas de mandat, afin de rapprocher l'instance du terrain. "C'est essentiel pour faire remonter dans les discussions l'état du travail prescrit et du travail réel", précise Pierre-Yves Montéléon.

Pour outiller ses militants et muscler leur argumentaire, la CFTC dispose de plusieurs cordes à son arc, en plus de son Institut syndical de formation. Une collection de fiches d'information de quatre pages, intitulée "Santé au travail", constitue un premier niveau de sensibilisation sur des thématiques aussi variées que la réparation des maladies professionnelles, le risque chimique, les troubles musculo-squelettiques, ou encore le harcèlement au travail. Ces fiches, également traitées sous forme de "vidéos d'apprentissage" de 6 ou 7 minutes, sont disponibles sur la plateforme d'e-learning lancée en 2017, qui offre un accès à des documents et ouvrages plus complets, ainsi qu'à une sélection de liens vers des contenus web externes. Les fédérations professionnelles CFTC utilisent ce matériel et créent leurs propres outils pédagogiques, axés sur les spécificités des risques de leur secteur d'activité. Des forums régionaux sont par ailleurs organisés sur une question de santé au travail ou sur un métier. Annoncés dans la presse locale, ils rassemblent un public plus large que celui des militants.

 

"RPS", un mot "fourre-tout"

Un guide, plus complet qu'une simple fiche d'information, aborde la négociation sur la prévention des risques psychosociaux, une dénomination que l'équipe n'aime pas beaucoup, lui préférant celle de "risques organisationnels". "Le terme "RPS" est un mot fourre-tout qui noie plusieurs notions : le stress, le harcèlement, la violence au travail, juge Pierre-Yves Montéléon. Il renvoie à l'individu et à la psychologie des personnes et occulte les causes liées à l'organisation et à l'environnement de travail. Il faut amener les militants à créer les conditions d'une approche collective de ce type de risques, à sortir de l'accompagnement juridique et psychologique des salariés concernés, pour discuter avec l'employeur des mesures qui agiront sur les causes réelles." Et qui n'ont rien à voir avec les mesures visant à améliorer à la marge le confort des travailleurs. Cette année, un quatre-pages est en préparation sur les substances addictives au travail, une préoccupation qui remonte du terrain. Le phénomène n'est pas nouveau, mais il s'amplifie dans le secteur tertiaire, les victimes d'addiction étant de moins en moins protégées ou tolérées par les collectifs de travail : "Là aussi, pour agir en prévention de façon globale, il faut faire comprendre que les salariés qui prennent des substances, prescrites ou non, légales ou non, le font pour résister à la dureté du travail", indique Sébastien Garoutte.

 

La CFTC et la santé au travail en 4 dates
  • 2000 : Signature de l'accord sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels.
  • 2007 : Présentation de 50 propositions dans le cadre de la conférence sociale tripartite sur les conditions de travail.
  • 2011 : Saisine de l'Anses pour une évaluation des risques sanitaires du travail en horaires atypiques.
  • 2017 : Lancement d'une plateforme d'e-learning, avec un parcours de formation spécifique sur la santé, la sécurité et les conditions de travail.

Opposée au travail du dimanche, la CFTC s'est aussi inquiétée des horaires atypiques et de leurs répercussions sur la santé. En 2011, elle a saisi à ce propos l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui a rendu un premier rapport en 2016 confirmant la nocivité du travail de nuit. "Nous avions un faisceau de présomptions sur les effets néfastes de ces horaires atypiques et nous souhaitions en avoir la confirmation scientifique, afin d'avoir des arguments légitimés par une agence indépendante, relate Pierre-Yves Montéléon. Car c'est un point difficile à aborder, non seulement avec les employeurs, mais aussi avec les salariés, qui ne sont pas contre les horaires décalés, pour des questions d'organisation personnelle ou de rémunération."

 

Pour la réparation intégrale

Selon l'équipe, le système de réparation des risques professionnels reste un pilier indispensable pour inciter les employeurs à s'engager dans une démarche préventive. Ces derniers y ont intérêt, puisque "le coût de la prévention est moins important que celui de son absence", rappelle Sébastien Garoutte. "La réparation intégrale des préjudices subis par les victimes du travail, incluant la perte de chances d'avoir une carrière complète ou une espérance de vie en bonne santé, est nécessaire", insiste Pierre-Yves Montéléon. La CFTC a fait des propositions pour améliorer la reconnaissance en maladie professionnelle des affections psychiques, notamment du burn-out : abaisser de 25 à 10 % le taux d'incapacité minimum requis pour accéder au système complémentaire de réparation, mais aussi introduire d'autres critères d'évaluation, comme le degré d'altération du relationnel et de la qualité de vie au travail du salarié. Elle appelle également à simplifier la procédure de reconnaissance, dont la longueur décourage les malades. Lutter contre la sous-déclaration des maladies psychiques est aussi un levier pour développer la prévention primaire.

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    Anact : Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Coct : Conseil d'orientation des conditions de travail. INRS : Institut national de recherche et de sécurité.