Sur les arrêts maladie, n'ayons pas la vue courte !

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Serge Volkoff statisticien et ergonome
/ octobre 2018

En santé au travail comme pour bien d'autres questions sociales, quand l'analyse et l'action politiques régressent, la tentation est de s'en remettre à des mesures comptables. L'offensive actuelle en matière d'arrêts maladie, à la fois tâtonnante et déterminée, en est un nouvel exemple. Une mission de réflexion - après bien d'autres - vient d'être confiée à un magistrat de la Cour des comptes et un cadre dirigeant d'entreprise. Sans préjuger de ses conclusions, on peut redouter qu'elle ne se polarise encore sur le décompte global des arrêts maladie, son coût estimé pour l'Assurance maladie et la hausse récente de ce coût. La logique est alors de "taper au portefeuille" pour s'en prendre aux comportements supposés abusifs, en augmentant les jours de carence, en pénalisant les médecins traitants ou, méthode plus indirecte, en impliquant les employeurs dans le financement - à charge pour eux d'accentuer les pressions et les contrôles. Autant de dispositions qui omettent au moins trois constats pourtant bien établis. Tout d'abord, le poids des arrêts longs, dus à des maladies graves, poids accru par le vieillissement de la population active (et le recul du départ en retraite) et, paradoxalement, par les progrès médicaux, qui permettent à des patients atteints de pathologies lourdes de poursuivre leur vie professionnelle. Par ailleurs, le rôle majeur des conditions de travail, notamment dans les arrêts de moyenne durée, souvent dus aux douleurs articulaires, aux séquelles d'un accident ou à diverses formes de souffrance psychique. Enfin, le volet opposé à celui des absences, à savoir le présentéisme, la tendance à venir travailler en étant malade, phénomène en expansion dont le coût sanitaire et économique, délicat à établir, est jugé considérable par de nombreuses études. Dans ce contexte, l'assimilation de la hausse des indemnités journalières à un "jour de congé supplémentaire", comme l'a exprimé fin août le Premier ministre, ne fait pas progresser le débat social.