La colère de Fadma, du secteur montage

par Clotilde de Gastines / juillet 2013

L'irruption d'une centaine de grévistes de l'usine automobile PSA d'Aulnay-sous-bois, lors des 5es Rencontres de Santé & Travail, a mis un terme aux débats prévus. Venus interpeller le ministre du Travail, finalement absent, les manifestants ont témoigné de leur lutte mais aussi de leurs conditions de travail. Comme Fadma Abraim, 37 ans.

Sur son tee-shirt, on peut lire le slogan "On se battra comme des lions", accompagné d'une figure léonine, emblème de la marque PSA, qui mord une clé à molette. Fadma Abraim travaille depuis douze ans dans le secteur montage du site automobile. Elle est monitrice de cinq personnes, qui effectuent l'"habillage caisse" des voitures.

"La tôle arrive sans rien, décrit-elle. Mon équipe intervient en moins d'une minute. Un robot prépare les petites vitres, pose la durite. Je les monte, puis je dois dégraisser les résidus, l'emplacement du pare-brise et de la lunette arrière." Une dizaine de gestes, un pivot et quelques pas accompagnent son récit, mimant l'enchaînement sur le poste de travail, dans un espace de 5 mètres carrés. Pendant cette unique minute, son équipe serre, visse, agrafe, pose le levier de vitesse, les ceintures de sécurité et le frein à main. "Impossible de boire un verre d'eau ou de parler, sinon on se met à couler et la ligne s'arrête", précise-t-elle.

"Bousillés"

Une équipe connaît tous les gestes, car les opérateurs sont censés alterner toutes les deux heures. En principe, cette polyvalence doit leur éviter "d'avoir un geste trop mécanique, de se blesser ou de faire des erreurs". Pourtant, dans l'équipe de Fadma, certains sont "bousillés" et ne peuvent plus tenir leur poste.

Selon elle, le nombre d'accidents est stable, mais la pression est trop importante. En douze ans, les cadences et la charge de travail ont augmenté. "Quand je suis entrée, on faisait 279 voitures par jour. On est passés à 357, avec un effectif moindre, moins d'embauchés et plus d'intérimaires", raconte Fadma. Et les préconisations des ergonomes maison restent sans effet : "Plutôt que de faire le geste prescrit, l'opérateur trouve une stratégie pour faire un autre geste, même mauvais, qui lui permet de gagner quelques secondes."

En tant que monitrice, Fadma doit aussi renseigner des indicateurs "qualité" et passer en revue la "tenue-image" des opérateurs (protections, sécurité, outillage). "Beaucoup de paperasse qui finit à la poubelle", critique-t-elle. Gréviste, mais pas syndiquée, Fadma a demandé son reclassement sur le site de Poissy. Mais le doute et la colère subsistent : "Dans quelles conditions et pour combien de temps ?"