Les égoutiers ne veulent plus se tuer à la tâche

par Martine Rossard / 10 juillet 2012

Mobilisés le 31 mai dernier, les agents et salariés du secteur de l’assainissement des eaux voient leur espérance de vie réduite par de multiples expositions à risque. Ils revendiquent une meilleure prévention et un départ en retraite anticipé à 50 ans.

Les égoutiers battaient le pavé parisien le 31 mai dernier pour réclamer la reconnaissance de la pénibilité et de l’insalubrité de leur travail. A l’appel de la CGT, ils dénonçaient notamment l’espérance de vie réduite des salariés des égouts, stations d’épuration et stations de traitement des déchets et gaz issus de l’assainissement des eaux. Des études menées par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) mettent en évidence une surmortalité des égoutiers, du fait notamment d’un excès de risque de cancer lié à de multiples expositions. Les produits toxiques et agents infectieux présents dans le milieu de travail sont en cause.

Cancers du foie

« Quand je suis entré dans le métier, j’étais le seul jeune de l’atelier au milieu de dix quadragénaires, raconte Didier Dumont, coordinateur des collectifs eau, fédéral et confédéral, de la CGT. Sept sont morts d’un cancer du foie dans les années suivant leur retraite, deux se sont suicidés après avoir appris leur cancer », témoigne-t-il. Le Dr Claude Danglot, microbiologiste et ex-médecin en charge des maladies infectieuses à la Ville de Paris, signale pour sa part de nombreux cas d’hépatite E, d’origine virale, source de diarrhées chez les égoutiers. « Mais on ne déclare pas les diarrhées au médecin du travail », précise-t-il. Peu de pathologies sont reconnues en maladies professionnelles. « Nous avons dû nous battre à la station d’Achères, dans les Hauts-de-Seine, pour un cas de leptospirose1 », remarque Didier Dumont.

Ce syndicaliste siège au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du Siaap (Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne), qui gère le site d’Achères, l’une des plus grandes stations d’épuration du monde. Il s’étonne que les plaintes des riverains dénonçant odeurs et pollution aboutissent à des enquêtes mais pas les demandes d’études épidémiologiques concernant les salariés. Notamment celle demandée depuis 1998 sur la détection des gaz toxiques.

Retraite anticipée pour tous

Le Siaap, établissement public administratif, fait appel à des salariés de droit privé mais intègre aussi des agents des collectivités territoriales, comme les quelque 300 égoutiers de la Ville de Paris. L’insalubrité du métier de ces derniers, reconnue de longue date, leur ouvre la voie, dans des conditions strictes, à un départ en retraite anticipé. Fixé auparavant à 50 ans, il a été repoussé à 52 ans depuis la dernière réforme des retraites. Les égoutiers ont aussi droit au maintien du traitement en cas de maladie professionnelle et leur famille à une rente majorée en cas de décès. Leurs collègues de l’épuration, exposés à des risques comparables même s’ils ne travaillent pas en réseaux souterrains, ne bénéficient pas de ce droit à la retraite anticipée et le revendiquent.

Le 31 mai dernier, une délégation des grévistes a été reçue aux ministères de la Santé et de la Fonction publique. Elle a fait valoir ces demandes et d’autres concernant la réduction du temps d’exposition aux risques, l’amélioration des moyens de protection et du suivi médical, le renforcement des prérogatives des CHSCT. Ces revendications ont été écoutées. Ont-elles été entendues ?