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Des horaires pas si atypiques

par Rozenn Le Saint / 09 juillet 2018

Ils sont désormais plus de 10 millions de salariés à travailler au moins une fois par mois le soir, la nuit ou le week-end, selon les résultats de l’étude sur les horaires atypiques publiée le 28 juin par les services statistiques du ministère du Travail.

Les horaires de travail dits « atypiques » portent de plus en plus mal leur nom. En France, plus de quatre salariés sur dix, soit 10,4 millions de personnes, n’ont pas un planning standard de jour, du lundi au vendredi. Et 44 % des travailleurs sont, au cours d’un mois, soumis à au moins un horaire atypique, surtout le samedi, avec 35 % des salariés mobilisés. Tels sont quelques-uns des constats de l’étude « Le travail en horaires atypiques : quels salariés pour quelle organisation du temps de travail ? », publiée le 28 juin par la direction de l’Animation de la recherche, des Etudes et des Statistiques (Dares) du ministère du Travail. Cette étude s’appuie sur l’enquête Emploi de l’Insee, réalisée en 2017. Il ressort également des analyses statistiques que le dimanche n’est pas synonyme de repos hebdomadaire systématique pour 19 % des salariés et que 9 %, soit 2,2 millions de salariés, travaillent de nuit. A noter que pour les non-salariés, la proportion est encore pire : 76 % d’entre eux, ce qui représente 2,4 millions de personnes, sont soumis à au moins un horaire atypique un mois donné.

Les métiers les moins mixtes sont les plus touchés

Ces emplois du temps bousculés concernent légèrement plus les hommes (44,2 %) que les femmes (43 %). Notamment parce que les premiers travaillent plus souvent le soir et la nuit : 26 % des hommes exercent le soir et 13 % la nuit, contre respectivement 21 % et 6 % des femmes. Les métiers les moins mixtes subissent davantage les horaires atypiques. Sans surprise, on y trouve les militaires, les policiers, les pompiers, les agents de gardiennage, les conducteurs de véhicule, les cuisiniers, les bouchers, les charcutiers et les boulangers pour les hommes. A l’inverse, les infirmières, les sages-femmes, les aides-soignantes, les vendeuses, les caissières, les agents d’entretien, les aides à domicile et les aides ménagères sont des familles professionnelles dominées par une présence féminine et où prédominent les horaires atypiques. Une partie de ces populations est donc réquisitionnée pour, souligne l’étude, « assurer la continuité de la vie sociale, la permanence des services de soins, la protection et la sécurité des personnes et des biens », tandis que l’autre l’est par le commerce. Dans le secteur tertiaire, 5,2 millions de salariés sont concernés. Et le travail le samedi et le dimanche est particulièrement fréquent chez les moins de 30 ans.

Les cadres travaillent le soir, les ouvriers la nuit

Les cadres, qui ont des journées de travail plus longues, bûchent davantage le soir, notamment en télétravail. D’ailleurs, la Dares a pris en compte le temps passé à exercer sur le lieu de travail, à domicile ou dans un tiers lieu. Les ouvriers, eux, sont davantage sur le pont la nuit et avec des horaires habituels alternés. Les employés sont plus concernés par le travail le week-end et par des horaires habituels variables d’une semaine sur l’autre.
Les auteurs de l’étude insistent également sur la notion de cumul. Ainsi, observent-ils, « les horaires de fin de semaine (samedi et dimanche) vont souvent de pair, de même que les horaires tardifs (en soirée et de nuit). Au cours du dernier mois, 93 % des salariés qui travaillent le dimanche travaillent aussi le samedi et 86 % des salariés qui travaillent la nuit travaillent aussi le soir ». Un autre cumul s’effectue avec un temps de travail plus long : « Même si les horaires atypiques donnent parfois lieu à des récupérations, les salariés qui en effectuent ont également des durées du travail plus longues que les autres salariés, à temps complet comme à temps partiel, et sont contraints à une plus grande disponibilité au-delà de leurs horaires habituels de travail. »
Les auteurs rappellent en conclusion que ces horaires atypiques sont synonymes de perturbations sur le temps hors travail. Ils citent à l’appui une autre enquête de la Dares, celle sur les conditions de travail et les risques psychosociaux publiée en 2016, selon laquelle, « les salariés soumis à au moins un horaire atypique sont plus souvent astreints dans leur organisation quotidienne. […] Les horaires atypiques nécessitent une plus grande disponibilité des salariés ».

A LIRE AILLEURS SUR LE WEB

L’enquête de Mediapart sur ArcelorMittal, acquitté par le parquet de Dunkerque suite à un accident mortel dans son usine, alors que l’inspection du travail retient la responsabilité de l’entreprise. Et celle de France Culture sur la prévalence d’accidents mortels dans cette même usine de Dunkerque.