"L'intervention des IPRP est plus pertinente en amont"

par Rozenn Le Saint / juillet 2017

Les intervenants en prévention des risques professionnels de services interentreprises de santé au travail ont débattu de l'évaluation et du suivi de leurs actions lors de leur journée nationale du 16 juin. Entretien avec Virginie Rascle, présidente de leur association.

Quelle est la valeur ajoutée de l'action des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) pour améliorer les conditions de travail ?

Virginie Rascle : Nous souhaitons porter le message que plus les entreprises nous font intervenir tôt dans leurs projets, plus nous avons des conseils et recommandations à apporter pour améliorer la prévention en leur sein. Et ce, en allant au-delà des obligations légales, à savoir le document unique pour l'employeur et la fiche d'entreprise pour le médecin du travail. Un des indicateurs d'efficacité des services de santé au travail, c'est le nombre de fiches d'entreprise réalisées, alors que celles-ci constituent un outil, un moyen pour mieux prévenir, mais pas une fin en soi. Coconstruire avec nous un plan d'action permet une réelle prévention. La dernière réforme de la médecine du travail rend obligatoire une étude de poste pour valider la décision d'inaptitude prise par le médecin du travail. Or c'est dommage d'intervenir en bout de course, alors que nous pourrions être plus pertinents avant et peut-être éviter les conséquences de l'avis d'inaptitude. L'idéal serait que nous dialoguions davantage en amont, de façon transversale et en équipe pluridisciplinaire, pour réaliser des planifications stratégiques, secteur par secteur, et mieux anticiper les axes de travail. C'est l'un des enjeux liés à l'évaluation et au suivi de nos actions, thème de la journée nationale de notre association, l'Afisst, qui a eu lieu le 16 juin dernier.

Dans quelle mesure la dernière réforme de la médecine du travail, qui accentue l'interdisciplinarité des équipes de santé au travail, valorise-t-elle vos missions ?

V. R. : La première intention de la réforme nous est favorable. Elle donne la priorité aux actions en entreprise et valorise le temps passé sur le terrain, ce qui constitue le coeur de nos missions. En revanche, comme il n'est pas fait mention des IPRP dans la loi du 8 août 2016 ni dans les décrets du 27 décembre, notre rôle ne se voit pas renforcé dans ces nouveaux textes. Ce sont les précédents textes qui sont toujours valables pour nous.

Les médecins du travail sont des salariés protégés, pas vous. N'est-ce pas un handicap pour mener à bien vos missions de prévention ?

V. R. : Nous exerçons en toute indépendance vis-à-vis de l'entreprise. En tant qu'IPRP des services interentreprises de santé au travail, nous sommes plutôt bien accueillis par les employeurs, car ils nous perçoivent comme des conseillers avec qui ils échangent chez eux, sur le terrain, et cela rapproche. Nous réalisons des analyses et proposons des solutions en tenant compte de leurs marges de manoeuvre, alors ils nous voient plutôt d'un bon oeil. D'autant plus que les entreprises ont pris conscience de l'importance des facteurs organisationnels. C'est une des réussites du document unique : le fait que les risques psychosociaux y soient mentionnés amène les employeurs à réfléchir à la dimension organisationnelle, qui peut être facteur de stress. De moins en moins d'entreprises "attendent" des incidents pour y réfléchir, car ceux relatés dans la presse à propos d'autres entreprises leur ont fait peur. Elles commencent à mieux comprendre l'intérêt de la qualité de vie au travail et cela nous ouvre des portes.