Maladies professionnelles : des cancers largement sous-déclarés

par Ivan du Roy / janvier 2011

Proportions non négligeables, 35 % des cancers naso-sinusiens et 7 % des cancers de la vessie sont susceptibles d'être reconnus en maladie professionnelle, indique une récente étude. Mais peu de patients engagent une démarche en ce sens.

Une étude sur les cancers professionnels vient de se conclure en Ile-de-France. Sous l'égide de l'Institut interuniversitaire de médecine du travail1 , 724 patients frappés par un cancer de la vessie ou un cancer naso-sinusien ont accepté de répondre à un questionnaire leur demandant de détailler leur parcours professionnel et les éventuelles expositions à des substances cancérogènes. Que révèlent les résultats ? Si la proportion de ces cancers avec exposition professionnelle identifiée confirme les estimations existantes, la majorité des patients concernés n'entame pas pour autant une demande de reconnaissance en maladie professionnelle.

Pour les cancers de la vessie, 7 % environ des sujets pourraient bénéficier du système de réparation, ce qui correspond aux données de l'Institut de veille sanitaire (InVS) établies il y a dix ans. Cette pathologie (plus de 10 000 cas chaque année en France) est le deuxième type de cancers professionnels, après ceux des voies respiratoires. En cause : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les amines aromatiques. Parmi les patients de cette étude exposés aux HAP, près de deux sur trois ont travaillé dans le BTP, ceux ayant exercé des activités de goudronnage étant particulièrement touchés. La métallurgie et la fonderie ne sont pas épargnées. Quant aux cancers liés aux amines aromatiques, on les retrouve d'abord dans l'imprimerie, l'industrie du caoutchouc et la fabrication du plastique.

Moins courant, le cancer naso-sinusien est cependant davantage attribuable à l'activité professionnelle. Cette pathologie est fortement liée à l'exposition aux poussières de bois. Menuisiers, charpentiers et ébénistes sont ainsi des professions très sensibles. Selon l'étude, 35 % des patients réunissent les critères pour une demande de reconnaissance (entre 25 % et 41 % selon l'InVS). Le cancer naso-sinusien apparaît aussi plus tôt : en moyenne vers 60 ans, contre 69 ans pour celui de la vessie.

Mieux informer les médecins traitants

Mais le nombre de demandes de reconnaissance en maladie professionnelle demeure faible. Les médecins traitants des patients concernés ont été informés de cette possibilité par les auteurs de l'étude. Malgré cela, parmi les personnes souffrant d'un cancer de la vessie attribué au travail, seule une sur cinq a accompli la démarche auprès de la Sécurité sociale. Pour les cancers naso-sinusiens, un patient concerné sur deux a effectué cette demande. Manque d'informations, réticence à accuser son métier et son employeur, démarches trop complexes ? Difficile d'expliquer cette sous-déclaration sans une étude spécifique sur le sujet. Reste que l'écart de déclaration entre les deux localisations de cancer est important. " Le lien entre les poussières de bois et le cancer naso-sinusien est plus connu ", avance Soizick Chamming's, coordinatrice de l'étude. Et les expositions aux poussières de bois sont plus facilement repérées par les patients que les expositions aux molécules chimiques.

Les auteurs de l'étude proposent qu'un " dispositif de repérage systématique des expositions professionnelles " soit mis en place et que les médecins traitants soient mieux informés. L'enjeu est important, non seulement pour l'indemnisation des victimes, mais aussi pour tous les travailleurs en activité dans les secteurs concernés : " L'identification de cas de cancers professionnels dans une entreprise ou un secteur d'activité est un puissant incitateur au renforcement de mesures de prévention lorsque l'exposition existe encore. " Le dossier est désormais entre les mains de l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France.

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    Etude coordonnée par Soizick Chamming's, sous la responsabilité scientifique du Pr Jean-Claude Pairon.