Médecine du travail : l'accord introuvable

par Luc Peillon / juillet 2009

Les partenaires sociaux n'ont toujours pas trouvé de terrain d'entente sur l'avenir des services de santé au travail. Les questions de la gouvernance et du financement cristallisent les désaccords.

Les négociations patinent. Après cinq rencontres entre syndicats et patronat, les discussions sur la réforme des services de santé au travail (SST), entamées en janvier, risquent fort d'atteindre leur date butoir - " la fin du printemps ", selon le gouvernement - sans aboutir. Même la rencontre restreinte du 13 mai, censée débloquer la négociation, " a été un échec ", estime un participant syndical. Un dernier sursaut n'est pourtant pas à exclure, les partenaires sociaux redoutant de voir le gouvernement décider seul.

 

Paritarisme strict

 

A la fin mai, les positions des différents acteurs restaient cependant assez éloignées les unes des autres, entre patronat et syndicats, mais aussi entre syndicats eux-mêmes. Notamment sur la question centrale de la gouvernance. " C'est le point essentiel de la réforme, affirme Bernard Salengro, de la CFE-CGC. De l'importance du pouvoir accordé aux salariés dépend la possibilité d'initier ou d'arrêter les expériences au sein des SST. " Pour ce faire, " il faut un paritarisme strict dans les conseils d'administration [au lieu de la règle actuelle : un tiers de représentants salariés, deux tiers de représentants employeurs, NDLR], avec alternance de la présidence ", juge la confédération de l'encadrement.

Une position partagée par la CGT, qui souhaite élargir le cadre de gestion des 300 services de santé au travail : " Nous avions proposé de fondre les SST au sein de la Sécurité sociale ; nous sommes prêts, désormais, à les organiser autour de fédérations régionales, afin de contourner les baronnies locales ", explique Jean-François Naton. Selon lui, il faut " sortir de cette relation incestueuse entre les employeurs et les SST "

Le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), qui ne participe pas aux négociations, propose même " 60 % minimum " de représentants salariés dans les conseils d'administration. " On sait que les syndicats sont souvent divisés, donc 50 %, c'est insuffisant, car les employeurs réussiront toujours à rester majoritaires en débauchant un syndicat ", souligne Gérard Lucas, au nom du SNPST.

Pour la CFDT, en revanche, nul besoin d'aller si loin : " Ce n'est pas en ayant un peu plus de représentants salariés que nous aurons davantage de pouvoir ", soutient Henri Forest, dont l'organisation ne souhaite pas non plus hériter d'associations " à la gestion passée parfois hasardeuse ". La confédération accepte le maintien des SST au sein de structures de droit privé, à condition que les organisations syndicales aient un pouvoir renforcé dans les commissions de contrôle.

 

Collecte par les Urssaf

 

Seul point véritablement consensuel, le financement, que la plupart des confédérations proposent de déconnecter des visites médicales. L'objectif est de mettre fin à la concurrence commerciale et au moins-disant social entre les SST, en confiant, par exemple, la collecte des cotisations aux Urssaf.

Reste le patronat, bien éloigné de ces différentes positions syndicales. Pour le Medef, pas question de confier la tuyauterie financière aux Urssaf, au risque " de voir entrer la médecine du travail dans le régime général de Sécurité sociale ". Pas question, non plus, de chambouler la gouvernance des SST. Tout juste concède-t-il un conseil d'administration composé d'un tiers de représentants d'organisations syndicales, d'un tiers de représentants d'organisations patronales et d'un tiers... d'employeurs. Mais officiellement, selon le Medef, " les négociations avancent ". Il est bien le seul à le penser.