© Nathanaël Mergui/Mutualité française
© Nathanaël Mergui/Mutualité française

Ne plus cacher ces cancers du sein liés au travail

par Rozenn Le Saint / 10 décembre 2018

Un récent colloque organisé par l’Institut syndical européen a mis en visibilité les facteurs professionnels de cancer du sein et la nécessité d’aménager les conditions de travail des femmes exposées ou malades. La CFDT lance une campagne de sensibilisation sur le sujet.

« Le rôle des facteurs professionnels dans le cancer du sein a été longtemps sous-estimé. Les femmes ont longtemps été exclues des études épidémiologiques », a souligné Henri Bastos, adjoint au directeur de l’évaluation des risques, en charge de la santé au travail, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), lors d’un colloque sur le thème « Femmes, travail et cancer », organisé à Bruxelles par l’Institut syndical européen (Etui) les 4 et 5 décembre dernier.
Le cancer du sein est de fait le plus répandu chez les femmes. Et il peut être d’origine professionnelle. Un message que la CFDT, présente au colloque, a décidé de relayer avec une campagne de sensibilisation, lancée cet automne en Moselle. Bien que le travail de nuit, les rayonnements ionisants et plus de 200 substances chimiques aient été identifiés comme des facteurs de surrisque de cancer du sein, il n’existe en effet toujours pas de tableau de maladie professionnelle. Et les femmes doivent passer par le système complémentaire pour obtenir la reconnaissance de l’origine professionnelle de leur pathologie.

Surrisque chez les infirmières et les hôtesses de l’air

Certains métiers sont particulièrement touchés. C’est le cas notamment, selon une étude de 2015 du Breast Cancer Fund, des infirmières (avec 50 % de cancers du sein en plus) et les hôtesses de l’air (deux fois plus). La CFDT a d’ailleurs lancé sa campagne de sensibilisation en direction de ces deux professions. En novembre, la CFDT santé-sociaux de Moselle et le Syndicat national des mineurs et des personnels du régime minier ont ainsi distribué des supports d’information sur les facteurs professionnels de cancer du sein dans les établissements hospitaliers du département. Puis un questionnaire sera diffusé en fin d’année à la fois aux personnels soignants du département et aux hôtesses de l’air d’Air France, afin de faire le point sur les expositions à risque auxquels ces personnes sont confrontées.

Difficultés du maintien en emploi

Au cours du colloque organisé par l’Etui, plusieurs femmes ont témoigné avoir passé des mammographies, répondu à de multiples questions sur leur vie privée, mais jamais sur leur travail. Il est vrai que l’âge moyen du diagnostic de cancer du sein – 61 ans – n’aide pas à la prise en compte du facteur professionnel : la carrière des femmes atteintes peut sembler derrière elles. A ceci près que la moitié des malades sont âgées de moins de 65 ans, avec de vraies difficultés pour se maintenir en emploi. « Des entreprises poussent à la démission les salariées qui reviennent d’un long arrêt maladie à la suite d’un cancer du sein, dénonce Monique Rabussier, de la Fédération générale des transports et de l’environnement CFDT. Elles leur proposent des postes impossibles à tenir, en horaires décalés, debout, les bras levés ou à l’extérieur. » Des adaptations de poste pourraient pourtant être négociées. « Il suffit d’écouter ce que souhaitent les travailleuses, poursuit la syndicaliste. Je me souviens de l’une d’elles, qui ne voulait pas se mettre à temps partiel pour ne pas y perdre en salaire. Elle avait juste besoin de faire la sieste en début d’après-midi, car son traitement la fatiguait. Son employeur l’a autorisée à rentrer chez elle tous les jours après le déjeuner. »
Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), présente au colloque, regrette pour sa part que « l’Institut national du cancer, notamment, veuille remettre toutes les malades au travail, sans tenir compte des facteurs professionnels de cancer. On ne peut pas exiger la reprise si on n’a pas examiné les conditions dans lesquelles le cancer est survenu, en particulier l’exposition au travail de nuit, aux rayonnements ionisants ou aux produits chimiques ».