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Le blues des managers

par Stéphane Vincent François Desriaux / avril 2013

Les cadres aussi souffrent au travail. Alors qu'ils ont fait les frais de la vague médiatique sur le harcèlement moral dans les années 1990, ils sont aujourd'hui eux-mêmes victimes de dépression, de burn out et parfois poussés au suicide.

Il faut dire qu'ils ont beaucoup perdu : de chefs (petits ou grands) investis de pouvoirs arbitraires et de l'autorité, ils sont devenus managers ou encadrants de proximité, soumis comme leurs collaborateurs à de multiples pressions liées à la demande, à l'interdépendance des organisations et au contrôle de systèmes de reporting de plus en plus exigeants. L'encadrement autonome s'est réduit comme peau de chagrin et a laissé place à l'encadrement contraint.

Accaparés par l'alimentation de la "machine de gestion", censés motiver leurs troupes à l'aide de la bonne parole de la direction, les managers sont de plus en plus coupés du travail réel. Et de moins en moins en capacité d'aider leurs équipes à résoudre les difficultés de l'activité, d'arbitrer entre les injonctions contradictoires que sont la productivité à augmenter, la qualité à maintenir, le service au client à satisfaire, les coûts à maîtriser...

Le salut, pour eux-mêmes et pour leurs collaborateurs, passe par la reconquête de marges de manoeuvre. Plus sûrement que par des formations au "bon management".

Petit tour de cadran pour un cadre sur quatre

par Clotilde de Gastines / avril 2013

Selon une enquête de la CFDT sur les cadres, un quart d'entre eux travaillent au-delà de 10 heures par jour. Une contrainte assortie d'une plus grande souplesse sur la gestion du temps de travail, dont profitent davantage les hommes.

Comment les cadres vivent-ils et organisent-ils leur temps de travail ? Afin de répondre à cette question, la CFDT Cadres a mené une enquête en 2012, intitulée "Travail et TempS". Y ont répondu 3 282 cadres, dont 1 542 managers issus de PME, de grandes entreprises comme EDF, Logica et Renault Trucks ou encore de la fonction publique, surtout hospitalière. Des hommes en majorité (58 % des managers ayant répondu). Parmi les encadrants, un sur dix gérait plus de 50 personnes au moment de l'enquête.

Celle-ci s'est penchée sur les temps de déplacement, le travail à domicile, la charge de travail... Elle a permis d'identifier les comportements adoptés par les cadres et managers vis-à-vis de l'organisation de leur temps de travail. Il en ressort ainsi que la culture du présentéisme domine toujours. Les cadres, encadrants ou non, s'investissent beaucoup dans leur travail, parfois au-delà de la durée légale. Un cadre sur quatre travaille plus de 10 heures par jour, et un sur deux plus de 218 jours par an. Deux managers sur trois estiment que leur charge de travail a augmenté depuis deux ans. Pour expliquer cette tendance, la gestion de l'imprévu et de l'urgence, les mails et le téléphone viennent en premier, puis les réunions et les relations entre collègues et enfin les activités de reporting

Les cadres sont aussi plus mobiles et leur temps de travail est plus flexible. La moitié seulement travaille en permanence au bureau. Pas moins de 73 % des encadrants déclarent travailler à domicile en journée, le soir ou pendant le week-end. En revanche, le fait de pouvoir venir plus tard au bureau, de poser une journée de récupération - même si c'est parfois une journée de télétravail déguisée -, est vécu comme un privilège, un marqueur de la condition de cadre, écrit le rapport de l'enquête, qui y voit un avantage offert par le forfait jours.

Situations discriminantes

Les femmes cadres suivent le même rythme de travail que leurs collègues masculins, mais sont souvent moins satisfaites de l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Les obligations familiales reposent en grande partie sur leurs épaules : 40 % d'entre elles prennent le temps de s'occuper de leurs enfants, contre 26 % des hommes cadres. Elles écourtent leur pause déjeuner et quittent le bureau plus tôt, quitte à se remettre au travail après 20 heures. L'enquête insiste sur les effets insidieux de cette situation en termes de discrimination : leurs absences, en particulier le soir, les desservent, car c'est à ce moment que se discutent souvent les orientations importantes.

Enfin, si un encadrant sur deux est satisfait de son temps de repos, 8 % des managers masculins et 10 % de leurs homologues femmes sont en burn out ! L'enquête révèle notamment que les cadres de santé de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sont "en très grande souffrance", pointe Monique Boutrand, secrétaire nationale de la CFDT Cadres, qui a piloté la recherche. Ces cadres de proximité, en grande majorité des femmes, travaillent souvent à domicile après leur journée à l'hôpital. "Une sur deux ne peut prendre ses jours de congés ou de RTT. Pire, un tiers d'entre elles ne voient jamais leurs enfants !", s'inquiète Monique Boutrand.

Selon la CFDT Cadres, l'organisation du travail doit évoluer, les rythmes se normaliser, par le décompte des jours de travail et de repos et la régulation de la charge de travail. Enfin, il faut repenser l'afflux d'information par une négociation annuelle obligatoire sur les technologies de l'information et de la communication (TIC).

En savoir plus
  • Les résultats complets et la synthèse de l'enquête Travail et TempS sont disponibles sur le site de la CFDT Cadres : www.cadrescfdt.fr