© Benjamin Tejero

Nuisances sonores : un risque à bas bruit

par Nathalie Quéruel / juillet 2022

C’est un risque professionnel aussi vieux que l’industrie mais qui, depuis plusieurs années, passe sous les radars de la prévention. Certes, l’exposition au bruit n’est pas mortelle. Mais elle endommage chaque année, sans que personne s’en émeuve, les capacités auditives d’environ 26 000 salariés, dont une infime partie seulement – 500 personnes – voit cette atteinte reconnue en maladie professionnelle. Sans compter que les assignés à l’open space, de plus en plus nombreux, éprouvent des nuisances sonores causant non seulement de la gêne dans l’exécution de leurs tâches, mais aussi de la fatigue, des troubles du sommeil et, partant, d’autres problèmes de santé, comme des pathologies cardiovasculaires.
Cette banalisation du « risque bruit » est d’autant moins acceptable que la technologie pour faire la guerre aux décibels a fait des progrès. Il n’est pas d’usines, d’ateliers de fabrication, de crèches ou de bureaux partagés qu’on ne puisse isoler phoniquement. Mais cette prévention collective – qui devrait légalement s’imposer en priorité – n’a pas la faveur des employeurs, qui croient remplir leurs obligations réglementaires en misant sur les casques antibruit et autres bouchons d’oreille. Or, on connaît les limites de ces équipements de protection individuelle, que les salariés enlèvent de temps à autre, parce qu’ils sont inconfortables ou entravent les échanges avec des collègues. Pourtant, et ce dossier le montre, il est possible de faire baisser d’un ton les lieux de travail, au bénéfice de tous.

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Entendons-nous pour réduire le bruit au travail

par Patrick Chevret, responsable du laboratoire d’acoustique à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), et Jacques Chatillon, chef du département Ingénierie des équipements de travail à l’INRS / juillet 2022

Voilà un risque passé aux oubliettes alors qu’il entraîne toujours des blessures auditives chez de nombreux salariés. C’est aussi une gêne, qui altère la qualité de vie au travail des abonnés à l’open space. Pourtant, les outils de prévention sont à portée… d’oreille.

Alors que l’on dénombre environ 500 surdités déclarées en maladies professionnelles chaque année, force est de constater que le bruit au travail demeure un risque important. Car ce chiffre des surdités professionnelles est largement sous-estimé selon plusieurs études, leur nombre réel étant 50 fois plus élevé (voir cet article). Et la dernière enquête Sumer1 , celle de 2017, indique que près de 3,2 millions de salariés sont encore soumis à des sons supérieurs à 85 dB(A), pouvant entraîner des atteintes auditives.
On pourrait s’étonner que les nuisances sonores restent aussi répandues dans le monde professionnel. En effet, ces deux dernières décennies, la législation a été renforcée. Une directive européenne de 2003, transposée en 2006, a baissé les valeurs limites d’exposition au bruit, qui sont passées de 85/90 dB(A) à 80/85 dB(A) pendant huit heures. La directive « machines » de 2006 contraint les fabricants à respecter des règles techniques dans la conception des équipements de travail (article R. 4312-1 du Code du travail), dont l...

  • 1L’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) est coordonnée par le ministère du Travail depuis 1994.

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